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Life is Beautiful, un album par Larry June, 2 Chainz et The Alchemist.
Étant un grand fan de Larry June, tout particulièrement depuis son album The Great Escape, sorti en 2023 en collaboration avec The Alchemist, j’était tout bonnement ravi à l’annonce de ce deuxième album entre le rappeur de la Bay Area et le producteur de Beverly Hills. Ma surprise a été grande quand j’ai appris qu’un troisième protagoniste était de la partie et qu’il se nommait 2 Chainz. À première vue, le vétéran d’Atlanta n’avait pas le profil idéal pour un album de bon vivant parlant de luxe. Force est de constater qu’il a dépassé toutes mes attentes, portant le 11 titres sur ses épaules et s’adaptant parfaitement à la direction artistique de ses deux acolytes.
La biographie des trois artistes nécessiterait un article en soi car ils ont déjà des carrières bien remplies. Voici un résumé non exhaustif de leurs hauts faits. The Alchemist est un producteur et rappeur de renom. Il a commencé le Hip-Hop dans les années 90 à Los Angeles avec son pote Evidence avant de traverser les États-Unis pour rencontrer Mobb Deep et produire pour eux un morceau iconique Thug Musik. Loin de la G-Funk et du son West Coast, le producteur perfectionne son boombap dur et crasseux typiquement New Yorkais. Il continue de produire dans les années 2000 pour des pointures du rap. Puis, au début des années 2010, Alan Daniels Maman de son vrai nom sort un projet commun avec le prolifique Currensy, c’est le début d’une longue série d’album où il se retrouve seul producteur, on peut citer : Alfredo avec Freddie Gibbs, The Price of Tea in China avec Boldy James, Voir Dire avec Earl Sweatshirt ou Faith is a rock avec Mike et Wiki. Il est une légende du rap underground et est en train de conquérir le mainstream car il a signé deux productions pour les poids lours de l’industrie: Drake (Wick Man) et Kendrick Lamar (Meet the Grahams).
Larry June a débuté sur de la trap dans les années 2010. Mais dès 2019, il opère un virage artistique en s’orientant vers un son plus ensoleillé et calme qui correspond parfaitement à son rap, sorte de mix entre un bobo et un capitaliste matérialiste. Pour résumer le personnage: il boit du jus d’orange bio au volant d’une ferrari. Cet étrange mélange lui réussit bien et Leonard Eugene Hendricks III de son vrai nom connaît un véritable succès avec Smoothies in 1991. Depuis il enchaîne les projets (une dizaine en 5 ans !!!), majoritairement produit par Cardo et deux par The Alchemist.
2 Chainz a débuté le rap à la fin des années 90 avec son meilleur ami Dolla Boy dans le groupe Playaz Circle. Après quelques difficultés dû à l’emprisonnement de son meilleur ami, ils réussissent à sortir leur premier projet qui contient des feats avec Ludacris et Lil Wayne en 2006. Le groupe d’Atlanta signe un deuxième album avant que 2 Chainz prenne son envol en solo. Tauheed Epps de son vrai nom délivre son premier long format intitulé Based on a T.R.U story qui contient un single avec Drake. Il vend 147’000 copies en première semaine et se classe premier au billboard. Le rappeur de Collegegrove poursuit son parcours dans le mainstream surfant sur la vague de trap qui cartonne dans sa ville d’Atlanta et marquant à jamais les années 2010 avec plusieurs projets iconiques. Finalement, ce dernier projet avec The Alchemist et Larry June est une surprise car il n’a pas grand chose en commun avec les deux hommes si ce n’est sa longévité et la pertinence de son rap qui n’a pas pris une ride.
Le vétéran d’Atlanta 2 Chainz s’adapte extrêmement bien à la couleur de l’album parfois en défaveur de son compère Larry June. Hustle plus passion equals success
2 Chainz sur I Been
La phrase ci-dessus saisit bien le propos du projet. Trois hommes passionnés qui racontent leur succès et parle d’investissement. Un propos qui n’est pas sans rappeler celui de Jay-Z et de Rick Ross avec sa fameuse Maybach Music. On assiste à un véritable mépris de classe de la part de 2 Chainz et Larry June. Maintenant qu’ils ont réussi à percer, les deux rappeurs vont capitaliser sur leur succès musical pour faire de l’argent légalement et profiter de la belle vie. Le MC d’Atlanta mange du homard au petit-déjeuner. Celui de la Bay Area joue au tennis avec son voisin et possède un loft juste pour regarder la télévision.
Ce rap de riches oncles qui profitent des petites choses de la vie de luxe s’accompagne d’une dose de paranoïa. Forcément autant d’argent attire envie et suspicion. En effet, vu le nombre de voiture de luxe et de propriétés qu’ils possèdent, il est compréhensible qu’ils ressentent une certaine inquiétude quant à la perte de leurs biens. L’environnement hostile d’où viennent les deux MCs continuent de les hanter en fond et ils ne voudraient pas qu’on fouille dans leur passé sulfureux.
Twenty cameras on my crib when I go to sleep
Larry June sur Munyon Canyon
Sur cet album assez homogène au niveau de la musicalité, ces sursauts de trap font du bien et prouve que Larry June peut retourner dans un rap légèrement plus crasseux que ce qu’il a l’habitude de faire. Ce n’est pas sans nous rappeler Extra of Um en featuring avec Babyface Ray. Cette trap lui sied étonnamment bien et le sort de son rap laidback où il a tendance à être trop facile. Évidemment, 2 Chainz excelle sur ce creneau, la preuve sur le refrain de Generation qui est phénoménal. The Alchemist nous surprend avec les intrumentales de Generation et Colossal en proposant des loops trap minimalistes qui collent bien avec l’album et apportent une diversité agréable à écouter.
We the generation got these kids all on the dirty Sprite (Goddamn)
We the generation got ’em on the Perkies every night (Uh)
We the generation got ’em on the switches, kill on sight2 Chainz sur Generation
Un album de rap pour bronzer au bord de la mer avec un aperol spritz dans la main. Étonnamment, celui qui a débuté sous l’aile de Ludacris s’adapte avec une facilité déconcertante au productions luxueuses de The Alchemist. Larry June l’avait déjà prouvé sur The Great Escape. Mais 2 Chainz porte clairement l’album sur ses épaules. Quand le MC de la bay area est parfois un peu mou et ronflant, son compère amène la dose d’énergie nécessaire pour revitaliser un morceau. Il délivre des paroles drôles et clinquantes.
Ain’t no limit on this card, I can swipе a hundred (Ayy, ayy, ayy, ayy)
Suede stripe on the tires of my AMG (G)Larry June sur Jean Prouvé
Finalement, un disque plutôt impersonnel et basé uniquement sur les biens matériels des deux rappeurs. Larry June aborde ses thèmes habituels alors que 2 Chainz explore un nouveau terrain, exercice qu’il réalise avec brio. Les productions d’Alchemist semblent plus que jamais d’actualité (la flûte envoûtante sur le morceau éponyme, la prod trap sur generation, la prod fantastique de Bad Choices) et accompagnent parfaitement le propos de bon vivant profitant de tous les plaisirs que la vie a à offrir.
Avec l’arrivée imminente de l’été, c’est le moment parfait pour lancer cet album en terrasse au bord d’un point d’eau en savourant un smoothie fraise banane et une tartine de saumon avocado avant de reprendre le volant de sa Ferrari. Plus sérieusement, ce deuxième opus entre The Alchemist et Larry June n’est pas surprenant ni par sa forme ni par son fond mais il est simple d’écoute et ne souffre d’aucun mauvais morceau. La présence de 2 Chainz est salvatrice et apporte un souffle de vie sur un album qui aurait probablement été plus soporifique sans lui. Le MC d’Atlanta s’amuse sur les productions d’Alchemist et surpasse souvent son acolyte sur ce disque. Le format de 11 titres permet de nous fait nous sentir riche pendant 36 (trop courtes) minutes.
Une critique par Augustin Pelot
Twenty Twenty-Five
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